Après NICE en 2005 et EMBRUN en 2006, je n'avais plus envie d'ironman. Mais impossible de laisser 18 copains de club partir sans moi. Décembre 2006, me voilà donc inscrit au triathlon le plus populaire du monde (2 500 participants, 150 000 spectateurs). Mon entraînement se passe mal. D'abord parce que je ne suis pas motivé, parce que je déménage en février de Toulon à Vitrolles, et parce que je ne peux pas poser de congés avant mi-juin. C'est donc la fleur au fusil que je prends le départ avec une moyenne de 8h et demi par semaine pendant la préparation spécifique (les 10 dernières semaines). Mais bon, mon but est de me faire plaisir, c'est tout.
Jeudi
C'est une véritable expédition qui part de Toulon puisqu'en plus des 19 coureurs il y a 11 accompagnateurs. Cela fait 2 fourgons, dont un avec une remorque de 10 vélos, et 4 voitures. Nous faisons une halte pour la nuit à Strasbourg. Il pleut.
19 membres du club au départ
Vendredi
Nous arrivons à Nürnberg, à 30km de Roth, un peu après 12h. Nous logeons dans un Hôtel 3 étoiles. L'après-midi nous allons retirer nos dossards. Il n'y a pas d'attente, l'organisation est au top. Le temps alterne entre grand soleil et averses glaciales, nous sommes un peu inquiets. Après avoir fait le tour du village exposition, nous allons repérer le site de départ et la zone de transition 1 qui se trouvent à 10km de Roth. Le soir, après avoir longtemps hésité, nous allons à la pasta-party. C'est énorme, il y a un monde fou et pourtant pas de cohue, l'organisation est là aussi à la hauteur. Il y a des entrées, des pâtes, des desserts et des boissons à profusion. Nous allons nous coucher le ventre plein !
Pasta-party géante
Samedi
Rebelote au petit déjeuner: bacon, oeufs brouillés, saucisses, croissants, brioches, fruits...
Retour à Roth pour assister au briefing. Comme il y a 553 Français (sur 4135 inscrits en comptant les relayeurs), il y a un briefing rien que pour nous. Le speaker en rajoute un peu sur le nombre de spectateurs à l'arrivée, sur la distance à partir de laquelle on entend l'ambiance de l'arrivée, sur l'honnêteté des athlètes allemands et sur les larmes que nous devons verser pendant le parcours vélo. Il nous annonce une bonne nouvelle: la météo donne 95% de chance d'avoir du beau temps.
Retour à Nürnberg pour manger, nous faisons l'erreur de partir chercher un resto sans savoir où aller. Il est 13h, tout est fermé. La tension monte au sein du groupe, pas facile de coordonner 30 personnes. Pour ne rien arranger, nous nous prenons une averse sur la tête. Finalement, nous ferons des courses dans un supermarché de quartier et mangerons des sandwiches dans nos chambres.
Vite, vite, il faut ensuite repartir à Roth pour poser les vélos. Il y a une longue queue et nous attendons environ une demi heure. Les vélos sont rangés sur des palettes. L'organisation a prévu des grands sacs pour les couvrir entièrement. Le parc est évidement gigantesque. Nous en faisons le tour pour repérer les entrées et sorties, le rangement des sacs, la tente de change, par où passer pour retrouver facilement son vélo (à droite à la sortie de la tente puis après le premier arbre à gauche, puis chercher la pancarte 1800-1804, s'engager dans l'allée du bon coté jusqu'à mon emplacement 1783). Le temps de revenir aux voitures et il tombe une autre averse.
Le parc N°1
Le soir, notre coach a demandé au restaurant de l'hôtel un repas de sportif avec une petite entrée et des pâtes. Mais nous sommes dans un 3 étoiles, nous allons avoir droit à un buffet réservé avec entrées, pâtes et desserts à profusion, plus des sauces de feu au gorgonzola et à la bolognaise. Nous allons de nouveau nous coucher le ventre plein !
Dimanche
4h du matin, l'hôtel nous a préparé du café et des sacs avec 2 petits sandwiches ronds, 1 banane, 1 pomme, 1 barre chocolatée. Tout cela servira en fait de repas de midi aux accompagnateurs. La journée sera longue et sportive pour eux aussi car le départ est donc à 10km de l'arrivée, le parc de transition 2 est encore à un endroit différent (à 1km de l'arrivée) et ils vont également se déplacer sur les parcours course à pieds et même vélo. Nous arrivons sur site bien en avance pour éviter la circulation.
Le départ se fait par vagues. La première est à 6h20. Nous sommes tous dans la 6ème vague de 7h15 (Il y a 11 vagues). Nous avons donc bien le temps de nous préparer, de donner les sacs natation aux camions qui vont les mener à l'arrivée, et de poser les sacs vélo avant la tente de change.
[Nota / Explication pour les sacs: Nous avons trois sacs: 1 sac avec les affaires natation qui reçoit les affaires civiles quand on se change avant le départ. 1 sac avec les affaires vélo qui reçoit les affaires de natation à la sortie de l'eau. Et 1 sac avec les affaires de course à pieds qui reçoit les affaires de vélo.]
Il fait effectivement beau comme prévu. Nous nous retrouvons tous dans le sas de départ. Nous voyons les premiers sortir de l'eau et passer juste à coté de nous de l'autre coté de la barrière. La natation se déroule dans un canal de 100m de large divisé en deux lignes d'eau. La circulation fluviale est fermée pour l'occasion. Il n'y a pas de courant. Une première ligne droite de 1500m nous mène jusqu'à un pont sous lequel nous faisons demi-tour pour une autre ligne droite de 2000m, nous passons sous un autre pont, demi-tour et encore 300m jusqu'à la sortie. Le départ se fait dans l'eau, à 100m de la mise à l'eau, ça fait un petit échauffement. L'eau est un peu boueuse, on voit tout juste sa main quand le bras est tendu.
Le canal de natation
La course
Ca y est, c'est parti ! Je décide de ne pas traîner car je veux absolument sortir avant certains de mes copains histoire de voir quelqu'un du club pendant le vélo. La natation se passe sans problème et sans baisse de régime. Je commence à doubler des bonnets blancs (la vague partie 5mn avant nous ?) avant le demi-tour. Sur le retour je double même des "verts" mais je me fait aussi doubler par plein de" rouges" et quelques "bleus". Ces derniers vont vraiment vite.
Je sors de l'eau en 1h16'06", c'est le 1398ème temps. (Il y a 2614 partants sans compter les relayeurs).
Sortie de l'eau
Je retrouve facilement mon sac vélo car il est en début de rangée. Un peu déçu de ne plus voir le sac de Laurent, je m'aperçois que son vélo est toujours là, je l'ai donc doublé pendant le changement !
Je passe 5mn48" dans le parc.
Le parcours vélo consiste en une boucle d'environ 90km à faire 2 fois. Je pars doucement pour récupérer de la natation où j'ai un peu forcé et j'en profite pour avaler tranquillement une barre de céréales. Laurent puis Claude me doublent immédiatement comme prévu avec un petit mot sympa. Roth est connu pour avoir un parcours vélo très rapide. Effectivement, même si c'est vallonné, même si le revêtement n'est pas si parfait que ça, la moyenne monte vite. Je suis constamment sur les prolongateurs et au bout de 30km j'en ai déjà marre ! Vers le 40ème km, à Greding, il y a enfin une vraie côte (500m à 6 ou 7%) qui permet de changer un peu de position, ouf. Peu après, il y a une bonne descente avec trois lacets assez larges. On voit que les autochtones ne sont pas habitués à descendre car ils sont pratiquement à l'arrêt dans chaque virage et je laisse tout le monde sur place. Il y a vraiment beaucoup de monde tout au long du parcours, le plus souvent installés en famille derrière une table recouverte de bières. Les habitants aiment leur triathlon contrairement à ce que l'on peut voir en France. J'ai même vu des policiers surveillant un carrefour nous encourager. Le speaker nous a dit pendant le briefing que 4500 bénévoles sont engagés et il y en a 1000 sur liste d'attente ! Sur la fin de la boucle il y a un peu plus de côtes avec à chaque fois de plus en plus de spectateurs, jusqu'au point chaud du parcours: le fameux Solarberg ou "tous les coureurs pleurent la première fois qu'ils y passent". Pour moi en plus, tout s'est passé de façon idéale. Après un virage un peu serré, je me suis retrouvé en train de relancer en tête des coureurs que je venais de doubler, entre deux rangées de barrières derrière lesquelles se sont massés des milliers de spectateurs qui encouragent les cyclistes à grand renforts de mains en cartons, de drapeaux, de crécelles et de trompes. Les haut-parleurs crachent à fond de la musique hard-rock. Je me crois à une arrivée d'étape du tour de France, sauf que c'est moi qui vais gagner ! Il n'y a personne devant et je me prend tout les encouragements pour moi tout seul. Je dois me rendre à l'évidence: j'ai la larme à l'oeil. Dès qu'il n'y a plus de barrières, dans la côte de Solar (berg = montagne en allemand), les spectateurs se rapprochent pour ne plus laisser le passage qu'à un seul coureur. Là c'est carrément l'arrivée de l'Alpe d'Huez ! Ca ne dure malheureusement que 500m. A Eckersmühlen, fin de la boucle, il y a encore des milliers de spectateurs derrières des barrières mais c'est un peu moins émouvant, il n'y a pas de montée.
Début de la montée de Solarberg, c'est pas moi sur la photo mais il y avait autant de monde.
Fin de la montée de Solarberg. Là c'est moi !
Bon, c'est le moment de faire le bilan du premier tour: je suis à 31,39 km/h de moyenne, ouille ouille ouille ! Mon problème, c'est que je n'arrive pas à trouver le bon compromis: soit je m'allonge sur les prolongateurs et je force, soit je me redresse et je perd 5 km/h. Je réfléchi 2 minutes pour prendre ma décision: je fonce ! Je suis là pour me faire plaisir, je n'ai pas d'objectif de temps final. Je décide que mon objectif sera la barre des 30km/h, chose que je n'ai jamais faite à l'entraînement, et peut-être 2 fois sur un triathlon sprint (20km de vélo). Cela va être dur car le vent se renforce. Dans la côte de Greding, le speaker allemand annonce le prénom des concurrents. Il a du mal avec moi: "Li... Laï...Lo..." ça se finit par "vas-y tu vas gagner !..." Plus que 50km, je tiens toujours ma moyenne mais c'est dur, je me rend compte que je suis en train de complètement me griller pour la course à pieds. Tant pis. Plus que 30km, je me fais doubler par Christophe, il va me servir de point de mire. Avec son vélo de contre-la-montre, il a du mal dans les montées et nous nous redoublons plusieurs fois. Nous regrimpons Solarberg côte à côte. Il y a toujours beaucoup de monde mais c'est déjà plus clairsemé. Fin du deuxième tour, il ne reste plus que 2 ou 3 km, je vais facilement gagner mon pari mais je ne ralenti pas pour ne pas laisser la place aux suspicions (oui mais y avait-il vraiment 180km ?...)
5h52'10" soit 30,67 km/h de moyenne et c'est le 1396ème temps (ben oui, c'était roulant pour les autres aussi !)
Arrivé au parc de transition numéro 2, situé à Roth, un bénévole prend en charge nos vélos. Similairement au parc numéro 1, il faut récupérer son sac avec ses affaires du sport suivant et se changer sous une tente. D'autres bénévoles sont là pour nous badigeonner de crème solaire car le beau temps est toujours là.
Je reste 4mn44" dans le parc.
Christophe part sans m'attendre. Je me demande bien comment je vais être, je ne me suis pas ménagé pendant le vélo et je pense que 6h seront nécessaires pour boucler ce marathon (j'ai mis 4h30 à mon dernier ironman). J'ai cassé le bracelet de ma montre la veille et de ne pas connaître ma vitesse va me pénaliser; j'aime bien me motiver en faisant des calculs de temps. Ca va, j'arrive quand même à courir. Au bout de 5 km nous rejoignons le canal en amont de l'endroit ou nous avons nagé. Il y a un premier aller-retour de 16km vers le nord. C'est l'occasion pour tous les triathlètes de se croiser, de se saluer, de s'encourager ou de se narguer. Je suis content de croiser Marc qui finira premier du club, je vais donc voir tout le monde. Je rattrape Philippe au début de l'aller et je le double alors qu'il fait un arrêt pipi. Mais ce rascal va me rattraper au ravitaillement suivant. Je prend en effet bien mon temps à chaque ravitaillement, et il y en a tous les 2 km. Je m'accroche à Philippe et reste avec lui jusqu'au km 25. Là je suis obligé de le laisser partir, je commence vraiment à fatiguer et j'ai mal au ventre. La boisson de ravitaillement vélo (PRO4), que je trouvais bonne au début avait du mal à passer sur la fin. Je vais être obligé de faire un détour dans la forêt. Croyant me cacher à 10 mètres du parcours, je vais tomber sur une piste VTT bien fréquentée. Me voilà obligé de faire 100m de plus dans la mousse pour rejoindre un coin plus touffu. Le problème c'est qu'avec les sapins, il n'y a pas trop de feuilles... Ouf, 10mn plus tard (?) je repars plus léger, mais pas plus vite. Le deuxième aller-retour, de 16km également, part vers le sud et quitte le bord du canal pour s'enfoncer un moment dans la forêt. Je croise Alain, aux prises avec des ennuis d'alimentation et, prés du demi-tour, Thierry, qui n'a jamais réussi à finir un ironman. Il est pourtant bien meilleur que moi sur un courte distance. Malgré son allure d'escargot, je ne vais pas le rattraper car moi aussi je traîne. Je n'ai pas envie de forcer juste pour mettre 12h15 au lieu de 12h45. Je marche au moins 500m à chaque ravitaillement (tous les 2 km !) Il y a toujours énormément de spectateurs mais ça devient un peu énervant, j'aimerais un peu de calme. Nous avons le prénom inscrit sur le dossard et un gamin allemand va avoir toutes les peines du monde à le lire sous le regard amusé de ses parents. J'ai encore mal au ventre et je vais devoir m'arrêter une deuxième fois dans la forêt ! En repartant, je me sens pousser des ailes. Je me suis complètement soulagé et en plus je n'ai pas arrêté de marcher donc je suis reposé. J'accélère. Je me dis qu'il ne faut pas exagérer non plus sur le temps. Ca va. J'accélère encore pour faire au moins 1km à 12 à l'heure, je suis un peu motivé par la perspective de rattraper Thierry. Au ravitaillement suivant je remarche. Retour vers l'arrivée, plus que 5km, je discute avec un spectateur allemand sympa dans un anglais approximatif mais on se comprend. Plus qu'un km, allez, je vais finir en courant. Tiens, voilà Thierry ! Il ne peut plus courir sous peine de vomissements. Je l'encourage et nous allons finir ensemble en trottinant. On rentre dans le centre de Roth, puis sur le site, plus que 500m. Et voilà l'entrée tant attendue dans le stadium (qui mériterait d'être plus grand). Il y a des tribunes pleines de spectateurs, un beau tapis moquette bleu posé sur la pelouse, une belle arche d'arrivée, les photographes. Je lève les bras avec Thierry. Ca y est, c'est fini.
Le marathon en 5h22'03" soit 7,86 km/h, c'est le 1824ème temps. C'est long un marathon quand on marche !
Arrivée avec Titi
Temps total 12h40'53", je suis 1692ème sur 2020 finisseurs. Malgré ce marathon catastrophique, je bat quand même mon record de NICE (12h45). Après 30 secondes à me dire que c'était le dernier, je fixe mon prochain objectif: descendre sous les 12h...................
Après l'arrivée, on nous donne une médaille. Guy Hermelin (le correspondant Français de l'organisation) vient nous féliciter. On peut boire, manger, se faire masser, récupérer son sac d'affaires civiles, sa fiche de résultats, son t-shirt finisher (très beau et d'excellente qualité), prendre une douche. Il faut également aller jusqu'au parc de transition 2 pour reprendre son vélo et les deux autres sacs. Nous retrouvons tous les Toulonnais. Les premiers sont déjà allés chercher les véhicules garés prés du parc 1. Nous repartons avant minuit vers l'hôtel.
La médaille de finisher
Lundi
Un petit-déjeuner était prévu par l'organisation mais nous avons préféré celui très copieux de l'hôtel. Nous retournons ensuite une dernière fois à Roth pour assister à la cérémonie de clôture, voir les résultats, récupérer sa photo. Au passage, nous allons encore boire et manger les restes du petit-déjeuner. C'est la cohue pour les photos car elles sont rangées dans des grands bacs en plastique et il y a peu de monde pour les distribuer. Patrice réussi cependant à en récupérer un bon paquet alors que certains avaient laissé tomber. Il fait chaud sous la tente, la cérémonie des podium tarde à se mettre en place, le speaker parle en allemand, tout le monde au club commence a en avoir marre. Certains travaillent le lendemain et il y a 1250km à faire d'une seule traite. Nous décidons d'attendre le podium d'Evelyne, 2ème de sa catégorie, et nous partons. Il est 12h30. Le retour se passe sans problèmes à part quelques petites pertes de vues entre véhicules. Comme "après une course, on peut manger ce qu'on veut", nous nous arrêtons au burger king d'une aire d'autoroute pour commander des hamburgers bien gras avec des frittes et des boissons ou milk-shakes bien sucrés... Arrivée à Toulon à 3h du matin.
Burger, frites et glace !
A l'an prochain pour de nouvelles aventures...